Où se loge le Pouvoir ?

Oct 27, 2023

Cette question résume à elle seule, un des enjeux majeurs de la transition que nous sommes en train de vivre.

Dans la société des années 1970 dans laquelle j’ai grandi, le Pouvoir était dans les mains d’un rôle ou d’un titre, maillon de cette société :
Le chef de famille,
Le PDG
Le professeur
Le médecin
Le client

Et ce principe peut se décliner, avec tous les rôles intermédiaires nécessaires à faire fonctionner l’ensemble. Ne m’en veuillez pas si j’utilise le masculin : à ce stade et à cette époque il était malheureusement le plus représenté.

Il ne s’agissait pas à mes yeux « du pouvoir de l’être humain ». Il s’agissait du pouvoir d’une fonction. Un pouvoir qui faisait l’objet d’une obéissance aveugle de la part de la très grande majorité de la population. C’est ce qui a mes yeux a rendu possible de nombreux abus, souvent connus, presque admis, et pourtant camouflés.
Le risque d’un tel fonctionnement, est que la personne se met au service d’un rôle. Elle peut bien sur le vivre en restant reliée à ses valeurs et son humanité. Mais elle peut aussi se mettre au service d’une mission, de manière totalement déconnectée de ses valeurs personnelles, ou des enjeux sociétaux.
L’autre conséquence est que la singularité n’a pas vraiment sa place. Les ressentis non plus.
Le boss décide, et nous suivons. Il prend les risques, et je gagne un salaire à la fin du mois, souvent pendant 30 ans dans la même entreprise.
Les élèves appliquent docilement ce que dit le maitre. Car ils sont habitués à respecter docilement l’autorité du chef de famille sans se poser de question.
L’homme décide et assume le plus souvent seul, la survie de la famille. La femme se consacre à sa famille et son lieu de vie.

Vous comprendrez bien sûr que ces exemples sont caricaturaux et pourtant pas si loin de la réalité il me semble, pour la majorité des individus il y a encore quelques décennies, et pour certains encore aujourd’hui.
Je n’oublie pas, bien sûr, les Prisca, femmes ou hommes qui de tout temps ont ressenti le besoin de questionner et de réinventer cette soi-disant normalité. J’en profite pour remercier les courants féministes au passage, sans qui je n’aurais certainement pas fondé Le Pouvoir du Sens.

Dans cette société, qu’il soit chef ou ouvrier, l’individu mettait son pouvoir au service d’un groupe plus grand et de la société. Comme celle-ci était prévisible, cela créait en contrepartie de la sécurité et du confort pour les individus (à différent degrés selon les milieux sociaux). Cela a permis la création d’organisations immenses, capables de créer des produits et solutions rationnelles sur de nombreux sujets. Ces grandes organisations nous ont fait croire qu’on pouvait tout prévoir et « maitriser les risques ». Elles sont à la source de grands progrès mais aussi de grandes destructions : nous en prenons conscience, enfin.

Mais qu’en est-il de ce modèle dans le monde d’aujourd’hui dans lequel :
– L’incertitude est quasi permanente
– De plus en plus de managers et entrepreneurs perdent le sommeil à force de chercher à tout prévoir, pour découvrir ensuite que cela ne se passe pas comme prévu
– Les salariés sentent que le boss ne peut plus tout maitriser et se protègent de plus en plus
– Les femmes aspirent à une vie propre, indépendamment de leur rôle de mère de famille
– Les hommes souhaitent aussi vivre leur rôle de père et leur vie au-delà du travail
– La jeunesse obéit de plus en plus à ses propres choix, et non ceux d’une autorité quelconque, surtout quand elle est dénuée de sens.

Pourrions-nous accepter collectivement que nous sommes arrivés au bout d’un modèle plutôt que de pleurer sur ce qui ne va pas en cherchant des coupables ? Cela nous permettrait de mettre notre énergie à créer un chemin nouveau.
C’est ce que choisissent de faire, chaque jour de plus en plus de personnes grâce à des associations, de l’entreprenariat à impact ou en tant qu’indépendants. Certains ont conscience qu’ils ne peuvent pas le faire avec les anciennes recettes, d’autres non.
Or, pour l’avoir vécu personnellement, la première étape essentielle à mes yeux est de repartir de son propre pouvoir. Sinon, en tant que créateur de sens, ce piège d’interdépendance que cette société du paraitre et des rôles nous a inculqué peut soit nous ralentir, soit nous conduire à l’épuisement.

Alors, où se loge t’il notre pouvoir ?
Peu importe où il se trouve, le plus important est d’en trouver le chemin : nous en avons grand besoin pour relever les défis qui nous attendent.

Il parait que le mot courage vient du mot cœur … alors c’est la piste que je propose de suivre pour retrouver ce chemin de notre vrai pouvoir. Sur ce nouveau sentier, le cœur n’est pas que sensible : il est aussi résiliant et puissant.