Mon histoire, tant personnelle, que professionnelle m’a permis de côtoyer une très grande diversité de personnes. Et cela m’a donné envie d’explorer cette question : le Pouvoir rend-il heureux ? Ou, plus précieux encore : quel Pouvoir rend heureux ?
J’ai grandi dans une société qui m’a raconté cette histoire de manière implicite : travaille bien à l’école, pour avoir un bon job, puis continue à évoluer au maximum dans tes fonctions. Voici la soi-disant meilleure chose qui pouvait m’arriver. Et qui m’est arrivée. A ma façon.
Une petite voix a senti très rapidement qu’il y avait une part d’arnaque dans tout ça. Dès que je suis rentrée dans une grande entreprise, j’ai observé les personnes qui m’entouraient. Et j’ai vite senti que je n’adhérais pas à cette théorie.
Quand j’étais enfant, comme exemple de réussite, mon père me présentait le cousin, qui faisait partie du Comex de chez Nestlé en étant parti de rien. Il aimait venir chez nous pour jouer au backgammon : une jolie bulle de joie (ou de colère souvent lorsqu’il perdait !) qui lui changeait certainement les idées de son quotidien bien orchestré. Je le revois, lorsque j’étais enfant, toujours tiré à 4 épingles. Voilà un exemple de personnes qui, aux yeux de mon père avait réussi sa vie.
C’est étrange pour un enfant, d’entendre de manière sous entendue que la vie professionnelle de ses parents ne vaut pas grand-chose.
Peut-être que c’est ce qui m’a rendue observatrice, des personnes de classes sociales si différentes. Pour chercher des réponses.
Comment expliquer ces visages pleinement joyeux, de personnes qui vivent à l’autre bout du monde dans ce que nous, occidentaux, appellerions une vie dans la misère ?
Comment expliquer cette tension, ou même ce vide, sur beaucoup de visages, aux heures de pointes dans le quartier d’affaire de la Défense ? A priori, ces personnes doivent faire partie des personnes dites favorisées non ? Alors pourquoi je ne le vois pas sur leurs visages ?
C’est un peu comme si nos responsabilités nous empêchaient peu à peu de vivre…
Or dans l’entreprise de service dans laquelle je travaillais j’entends encore les éclats de rire des personnes qui travaillaient en cuisine. Je me souviens aussi de cette déception lorsque je les rejoignais à table, pour partager leur repas : mon plateau à peine posé pour les rejoindre, un silence total retentissait ! Et oui, j’étais leur N+3 ou 4 ! Pourtant je ne voyais tellement pas la vie comme ça !
Je n’idéalise pas la situation, car sur site, les métiers étaient physiques, et parfois loin d’être dans des conditions idéales. Financièrement c’était certainement compliqué. Et parfois, il s’agissait d’éclats de voix et non d’éclats de rire. Je me rends compte aujourd’hui que j’ai toujours aimé cette authenticité grâce à laquelle un sourire est un vrai sourire.
Ma perception est qu’aujourd’hui que l’on soit en haut, au milieu, ou en bas de la pyramide, cette version de l’exercice du pouvoir ne permet pas de vivre pleinement sa vie.
Alors creusons encore un peu … qu’est ce qui fait que nous y allons quand même vers ce prochain job, un cran plus haut ?
Il y a la dimension financière, bien sûr, qui fait peut-être croire à certains que c’est grâce au plus gros salaire, et à la plus grande maison que nos enfants et nous même seront plus heureux… alors est-ce vraiment le cas finalement ?
Je crois que pour la plupart d’entre nous il s’agit d’autre chose. Si je prends mon exemple, c’est l’envie d’apprendre et le goût pour la nouveauté qui m’a toujours fait prendre le job d’après.
Je sais aujourd’hui que nous sommes tous différents, et tous précieux tels que nous sommes.
Je crois que certains d’entre nous ont besoin d’une certaine complexité, d’un certain niveau de challenge pour se sentir à leur place dans leur job. D’autres personnes aspirent à une mission simple, pour des raisons qui peuvent être très variées d’ailleurs.
Le paradoxe c’est que dans la posture de manager actuelle, les responsables se retrouvent souvent happés par les problèmes du quotidien, pour lequel ils sont loin d’être les meilleurs. Pendant ce temps là les challenges qui les ont attirés dans ce job, qui ont vraiment du sens à leur yeux, les attendent.
J’observe que ce qui se produit aussi, lorsqu’une personne ose créer sa propre entreprise, asso etc, avec son équipe autour. Et c’est encore plus frustrant quand on est animé par un projet qui fait tellement sens pour nous !
Alors à mes yeux, le pouvoir rend heureux, à partir du moment où chacun peut mettre pleinement son pouvoir et ses talents au service de sa mission. De cette façon, chaque job se vit de la manière la plus autonome possible, et la vraie valeur ajoutée d’un leader peut trouver toute sa place.
N’importe quelle organisation, même la plus petite, et dans un métier simple et utile, peut contribuer à sa manière aux enjeux de métamorphose de cette société : en intégrant la dimension du sens, la liberté de chacun de contribuer avec ce qu’il est, et le lien simple et authentique entre nous tous.
Et avant même de parler d’organisation, chacun de nous peut choisir d’avancer de cette manière au quotidien. Ainsi, notre vie, devient un mini-monde que l’on ose vivre à notre image.
Or comme nous le rappelais si bien Pierre Rabhi : le monde c’est nous.
Ce qui m’attriste c’est de voir qu’aujourd’hui, ceux qui ont le courage de respecter leurs valeurs, le vivent souvent de manière très coûteuse en énergie. Et j’ai commencé comme cela aussi. Il est pourtant possible de vivre son pouvoir tout autrement, dès lors que l’on ose d’autres codes que ceux de cette soi-disant normalité qu’on nous a présenté comme immuable : comme le rapport de force par exemple.
Et vous : votre quotidien vous ressemble-il vraiment ? Et si ce n’est pas le cas, vous sentez-vous prêt-es à vivre ce que vous êtes vraiment en tant que créateur de sens, sensible et singulier ?
Tout en contribuant merveilleusement à vos missions bien sûr !