Si vous préférez écouter l’épisode : c’est par ici !
Je ne sais pas si vous ressentez comme moi, à quel point ce mot « ignorant » dans la société dans laquelle nous vivons, est connoté négativement : alors qu’en réalité, nous sommes tous des ignorants de quelque chose.
Cette conscience de mon ignorance, a été révélée, en présence de personnes qui ont fait les mêmes études que moi, mais qui n’étaient pas passées par le même chemin. Eux avaient suivi le chemin de la classe prépa, quand moi j’étais à la fac.
Je me retrouve en école d’ingénieur agro-alimentaire (pas pour le titre : juste parce que j’aime cuisiner). Et là, l’un deux, prend un malin plaisir, à me poser des questions de culture générale, suivi de cette petite question derrière, que j’entends encore : « tu ne sais pas ça ? Ah Bon ? Tu n’as pas lu ça ? » Avec un long silence derrière qui avait le pouvoir de me faire passer pour l’abrutie de la bande ; en tous ça c’est comme cela que je le vivais à l’époque.
Je souris quand je dis ça parce qu’aujourd’hui je n’en ai vraiment plus rien à cirer. Peut-être même que pour eux ce n’était qu’un jeu très amusant car je partais au ¼ de tour… sans montrer à quel point cela me blessait. N’empêche qu’il m’a fallu quelques années pour le vivre comme cela, quelques décennies même.
Dans le premier job que j’ai occupé, je me souviens notamment des déjeuners clients, dont l’idée était de parler d’autres choses que du contrat du service apporté, ou des équipes, pour créer un lien autrement. Et je n’avais qu’une terreur : d’être démasquée et que ces clients se rendent compte de mon ignorance. Il y a notamment un domaine dans lequel je suis vraiment particulièrement ignorante, c’est l’histoire. Pendant des années, quels que soient mes efforts pour retenir des éléments d’histoire ça s’est toujours soldé par un énorme échec. Pour vous dire à quel niveau de désespoir j’en était, j’ai même demandé à une amie qui a passé le concours d’instit 10 ans après la fin de nos études, de me faire juste un petit résumé : niveau primaire !
Elle m’a expliqué tout ça avec toute sa joie et sa simplicité… et je n’ai rien retenu du tout : parce que la vérité de la vérité c’est que moi Prisca, ce qui est de l’ordre du passé, mon être ne s’y intéresse pas. Je suis passionnée par le présent, et un présent qui construit le futur, et le meilleur futur possible. Je suis comme cela. Donc il me parait assez naturel aujourd’hui d’observer que le passé ne m’intéressait pas.
Sauf que dans notre société, la culture générale est érigée comme une qualité à avoir. En tous cas c’est l’image qu’elle m’a renvoyée : que pour être valable, pour être validée, il fallait que j’ai cette culture générale. Il fallait que je retienne, les dates et les noms. Or je me rends compte aujourd’hui que ce ne sont pas les noms qui m’intéressent, ce sont les expériences proposées par un artiste, un écrivain. Quand je vais voir une exposition, je m’en fiche du nom, ou de savoir à quelle époque il a vécu. Ca ça a un peu bougé dernièrement car en me reliant à l’homme, ou à la femme, ça m’intéresse d’en découvrir plus…même si au final je ne le retiens pas derrière.
Ce que je vais vivre au travers cet art… et bien tout est dit : ce que je vais vivre. Ce qui m’intéresse c’est de vivre un moment précieux grâce à cet artiste. Qu’il s’agisse d’un tableau, d’une photo, d’une musique ou d’un livre. Comment son œuvre me touche ? Est-ce que je me sentirais un peu différente après l’avoir lu ? Est-ce que je me reconnais dans ce qui est partagé ? Comment cette œuvre se révèle à mon âme ou mon être ? Oui pour moi, l’art, c’est l’expression de l’âme de l’artiste. En tous cas c’est comme cela que je trouve l’art merveilleux. Mozart qui vous sort ses compositions : cette complexité musicale à un si jeune âge. Et tous les grands compositeurs ? D’où est-ce que cela peut venir, si ce n’est du plus profond de l’être ?
L’art à mes yeux, ne devrait être que cela.
Sur ce sujet de la culture générale, j’ai réalisé, comme j’ai déjà eu l’occasion de le partager dans l’épisode « vivre mon origine sociale », que je viens d’un milieu simple : les samedis et les dimanches ne se passaient pas dans les musées, même si ma mère aurait je pense, bien aimé y aller. Avec mon père, nous nous lancions dans de grandes discussions sur des sujets parfois complexes, parce que je crois que comme moi, ce qui l’intéressait c’était le fond de l’affaire pour comprendre… et contribuer à créer autre chose ensuite.
Je n’ai pas été éduquée dans l’importance des noms, dans l’importance de briller, dans l’importance d’être quelqu’un. Certainement parce qu’eux, n’étaient pas quelqu’un… aux yeux de cette société. Les larmes me sont venues en même temps que ces mots, car ce qui me touche le plus, c’est de voir que les personnes qui sont les plus importantes dans mon cœur, ne sont rien aux yeux de cette société. Elles ne sont pas importantes, elles ne brillent pas par un nom ou un bouquin écrit. Et ça dans mon cœur, ça sonne comme une fausse note. Cela a même crée chez moi jusqu’à en encore récemment, un comportement excessif face à tout cet univers de la connaissance, des intellectuels, de ceux qui savent, et de ceux qui s’érigent en savants, et en sachants. Et cela a aussi nourrie chez moi l’élan de créer des dynamiques humaines différentes, qui permettent à chacun de se vivre pleinement, à équivalence, et de ressentir leur importance.
Alors oui, je suis ignorante de plein de sujets. Et je le vis très bien.
Pourquoi ? Parce que j’ai laissé mon énergie et mon attention se tourner vers ce qui captivait mon être. Et notamment un sujet principal depuis très jeune, qui est de comprendre ces humains si mystérieux, capables du pire comme du meilleur. En réalité toutes les lectures que je choisis touchent à ce sujet-là, et ce depuis toujours : que ce soit des lectures plus sérieuses dans le but de continuer à découvrir et à me nourrir, ou des romans divertissants : à chaque fois il s’agit d’humains et de leurs aventures. J’ai peu voyagé et je me souviens à Casablanca, que ce qui m’a fasciné c’est de déjeuner une pastilla maison dans le logis de la maman d’un collègue de mon beau-frère cela nourrit aussi une autre part de moi : la part gourmande.
Voici vers quoi j’ai tourné ma vie et mes loisirs aussi. Ils ne sont quasiment que rencontres humaines, et temps de qualité avec mes proches et de petites pointes de nature et d’expériences artistiques tout de même. Je ne dis pas que c’est ce que tout le monde doit vivre, je dis juste que sans le savoir, j’ai suivi mon cœur et ce qui lui parlait. Ce qui est juste dommage c’est que pendant des années, une petite voix intérieure, guidée par les lunettes déformantes de cette société, me disait que j’étais nulle à plein de moments.
Alors aujourd’hui j’apprécie de pouvoir vous partager la vision avec laquelle je vis, au présent, qui est que je suis ignorante dans pleins de domaine et c’est très bien comme cela car il y a plein de gens que ces univers passionnent. Et ce qui est super, c’est que depuis que j’assume cela, je peux me montrer curieuse, attentive, et à l’écoute, de tout ce savoir que les gens ont envie de partager dans les domaines qui les passionnent : et notamment l’histoire (petit clin d’œil à 3 amis, Ben, Ludo et Xavier qui sont des passionnés).
Il n’y a plus de petite voix qui a honte, qui a envie d’esquiver par ce qu’elle se dit « mais mince, ils vont se rendre compte que je n’y connais rien et c’est dramatique. En plus je ne vais rien retenir ! » La connaissance en profondeur dans certains domaines est précieuse, et en même temps, il me parait essentiel de relier cette connaissance intellectuelle à l’expérience et la façon dont on vit les choses.
En tous cas c’est ce que je ressens : que cette connaissance, ces discussions, ces soirées débats, ces tables rondes : tout cela, qui reste dans le domaine de l’intellectuel n’a de sens à mes yeux que si à un moment donné elles contribuent à transformer l’expérience dans le concret. Et ça parle d’une de mes spécificités : ce côté opérationnel, qui aime le concret. C’est d’ailleurs le métier que j’ai exercé pendant des années, et un point de vue qui ne m’a jamais quittée.
Et peut-être que finalement c’est mon rôle spécifique de partir de toute cette connaissance, notamment sur la compréhension de l’être humain, et d’en faire quelque chose d’opérationnel, pour vivre vraiment sa Vie. Car là encore il est important de voir que nos différences sont des richesses pour le monde.
La seule chose que je vous demande, messieurs dames les intellectuels, c’est de nous respecter tels que nous sommes : des personnes simples et vivantes ! Ce n’est pas parce que nous n’avons pas la connaissance, que nous ne valons rien. Et je crois que la toute première personne qui avait besoin d’entendre ce message il y a des années : c’était moi.
Me croirez-vous si je vous dis que le matin de la finalisation de cet épisode je suis tombée sur ce texte ? Je n’ai pas pu résister à vous le partager.
Un peu de teasing : vous pourrez le découvrir en audio sur Spotify.
Et si ce texte, qui pointe son nez ce matin venait me confirmer à sa façon qu’il était vraiment temps de quitter le 100% mental, pour remettre quelques pieds dans la Vie ? Car c’est là, grâce à tous nos sens qu’elle peut nous offrir toutes ses saveurs !
Voici sa source :
Les perroquets savants – extrait de « quand le désert Fleurit … et autres graines de Vie Prem Rawat, Leduc. s pratique.