Vivre mes différences : épisode 3 – Vivre ma morphologie

Juin 22, 2022

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C’est étrange pour moi de revenir sur ce thème car après plus de 30 ans de torture personnelle, je ressens aujourd’hui un vrai équilibre.  Pourtant je souhaite y revenir, avec un mélange, de sensations étranges. Car quand je me retrouve aujourd’hui à vous parler de différence en lien avec ma morphologie, et que je vois que cet équilibre dont je vous parle, se fait avec une taille 40, j’ai presque honte de prendre la parole…Et en même temps si je me suis infligée ça, avec cette morphologie-là,  qu’est ce que cela doit être pour les personnes vraiment différentes … de cette fameuse norme que l’on a voulu m’infliger.

Alors bien sûr le gros de la torture c’est moi qui me la suis créée ensuite. Néanmoins il y a eu un déclencheur extérieur, puisque quand on est enfant on s’en fiche un peu. Bon ok, il y avait un terrain déjà créé, sur ces joyeux bancs de l’école, puisque malgré le fait qu’enfant, j’étais juste un peu potelée, et bien ça a fait l’objet de beaucoup de sarcasme : je ne sais plus si c’était beaucoup de personnes ou pas mais je revois deux ou trois visages qui aimaient beaucoup m’appeler par ces petits noms très doux de « la grosse » ou encore « tas de graisse ». Comme c’est bizarre de les dire à haute voix 35 ans plus tard…Ce qui est encore plus étrange c’est que cela ne correspondait pas vraiment à ce que j’étais, physiquement. Mais finalement, je crois que j’y ai cru..

Alors quelques temps plus tard, le pédiatre m’a parlé d’un ton grave en me disant : « alors écoutez, on a pris votre poids il y a 3 mois, et si on le reprend 3 mois plus tard, et vu l’évolution sur laquelle vous êtes, et bien si ça continue comme ça, la situation va être vraiment grave »

Déjà voici la première question que me pose aujourd’hui : pourquoi ce serait grave d’avoir quelques kilos en plus, d’avoir un corps rond, un corps généreux ? Dans d’autres époques, dans d’autres cultures, ce sont les corps généreux qui sont honorés, et ce n’est pas mieux, puisque ce sont les maigres qui sont discriminés.  Je ferme cette parenthèse et je reviens à ce rendez-vous de pédiatre. Je suis en face de lui, ma mère est à côté et il me dit : il ne va plus falloir manger de bonbons et de gâteaux. Alors je lui dit : mais je n’en mange plus ; ma mère était déjà très vigilante sur le sujet. Il faudrait prendre du  beurre allégé : c’est ce que je fais.

« Ah c’est plus grave que je pensais »

Voilà, j’ai 10 ans, je suis dans ce bureau, et j’ai l’impression que ma situation est grave ; presque dramatique, parce que j’ai quelques kilos en trop, qui peut-être se seraient régulés tous seuls avec la croissance.

Alors je ne sais pas ce qu’aurait été ma vie si je lui avaiS dit, vous savez le gros mot en anglais qui commence par un F 😉

« J’en ai rien à cirer, je suis Prisca et je vis ce que je suis ! »

Mais je sais ce que ma vie  a été en l’écoutant !

Ce que je vois aussi c’est que ça a ricoché sur une torture que ma mère s’était infligée. Vous savez ce qu’elle m’a dit alors qu’elle venait de Suisse, d’un petit village : elle m’a dit que ce qu’elle avait préféré à Paris c’était la liberté de ressembler à ce qu’on voulait. Elle m’a dit tu te rends compte j’ai fait 60 kilos, et j’en avait rien à cirer. C’était un exploit.

C’est important pour moi de préciser que ma mère ne m’a mis aucune pression, qu’elle n’a fait aucun jugement, même les fois où j’en avais ras le bol, les fois ou j’en pouvais plus de manger du concombre et des carottes, les fois où je pleurais sur mon lit parce que j’avais pris des kilos et que je regardais des photos de moi l’été précédent et je me disais : « mais pourquoi tu as tout gâché ? Je revois encore la photo aujourd’hui. Quelle torture !

Pourquoi ? pour rentrer dans cette norme alors que de toutes façons j’avais aucune chance d’y être et qu’aujourd’hui je me dis que finalement ma principale différence c’était pas d’être potelée, c’était peut-être déjà ce zèbre qui dérangeait (voir épisode précédent) Bref, je ne le saurai jamais ?

Ce que je sais c’est que ça a été le début pendant toutes les années collège, de régimes sur régimes et de « j’en ai raz le bol et je regrossi » ce yoyo insupportable.

J’ai expérimenté l’impact de l’image que les gens ont de vous. Quand ma sœur a commencé à prendre du poids, alors que moi j’avais maigri et que l’on mettait les mêmes vêtements, mais dans la vision des gens, elle elle était canon et moi j’étais grosse ;

Alors quand je suis arrivée au lycée, que je connaissais quasiment personne, je me suis fait une promesse, je me suis dit que personne, aucune personne de ces gens là au lycée ne me verrait grosse. J’ai voulu me libérer de cette image, et en faisant ça je me suis crée une autre prison.

Et là j’ai été intraitable avec moi-même, je faisais très attention. Globalement le midi je mangeais normalement, et le soir, des concombres.

Jusqu’au jour, ou j’étais au Mc do avec des amis, preuve que je savais faire des exceptions, je descends l’escalier, il y avait un miroir en face et mais on commençait par voir les jambes avant de voir le visage. Je tiens à dire que je me méfiais énormément de l’anorexie : j’avais conscience du risque et dès que j’avais plus faim toute seule, je me forçais à manger pour être sûre que je ne tombe pas dans ce piège là. En fait sans le savoir j’y étais déjà un peu.

Je suis au mac do, je descends les marches, et des jambes dans la glace et je me dis : « ouhaou » ce qu’elle est maigre cette fille en face c’est vraiment pas beau (et un jugement de plus au passage)

Je continue à avancer, et là je vois que c’était moi ; et je n’avais pas conscience d’être si maigre

Jimagine que là ça a ajusté un peu ma tyrannie et que je me suis un peu laché la grâppe

Mais la torture n’était pas finie ; Après mes études j’ai beaucoup grossi et ça ne me plaisait pas nom plus (j’ai même eu le droit à un petit sarcasme d’un ancien de ma promo au passage) alors j’ai recommencé à faire attention. Et ces yoyos ont duré de 20 à 35 ans…

A 35 ans j’étais toute seule en train de manger et là une espèce de flash m’arrive et je me dis « depuis mes 10 ans à chaque fois que je mange autre chose que des carottes ou du concombre, je culpabilise : quelle torture ! »

J’aimerais beaucoup avoir la patience d’écrire une thèse sur le sujet pour vérifier cette hypothèse : « et si la culpabilité était génératrice de kilos ? Et si cette pensée « oh je vais grossir » agissait comme un ordre donné au cerveau pour lui dire de stocker… remarquez certains nous dirait surement aujourd’hui que c’est quantique…

A partir de ce moment là je pensais que j’en était libérée car j’ai pu manger n’importe quel plat avec plaisir et sans culpabilité. Du moins c’est ce que je croyais. Le chemin n’était pas encore terminé et j’ai continué les yoyo. Puis un jour j’ai réalisé que ce n’était pas 38 ma taille   ; c’était 40 et que c’était très bien comme cela.

Et que toute ma vie, je mettais du 38 grâce aux régimes que je faisais… Puis je mangeais normalement alors mon corps reprenait sa nature… Jusqu’au 40 : et quand on met du 38 alors qu’on fait du 40 effectivement on se sent très boudinée ! et ce n’est pas qu’une impression 😉

Le jour ou j’ai enlevé tous les vêtements en 38 de mon placard et j’ai choisi de m’aimer comme j’étais : cela a été une belle libération aussi ! mais ce n’était pas encore terminé

En reparcourant ce chemin je me rends compte qu’il a été à chaque fois un peu plus doux

Le moment de vérité a eu lieu un peu après, lorsque j’ai réalisé que c’était à mon mental que j’avais donné le pouvoir sur ce que je mangeais. Alors qu’évidemment c’était mon corps qui pouvait le mieux me répondre à chaque instant. Ais-je encore faim ? est-ce ceci dont tu as encore besoin ou plutôt ça ? Et oui, j’ai découvert que mon corps pouvait me répondre à chaque instant de façon très précise. Bon ok, la finesse des réponses a certainement été accentuée pas le chemin de développement personnel que j’ai entrepris depuis plusieurs années ;

A chaque fois que je réussis à lui poser la question tout en écoutant finement la réponse c’était magique, simple et évident. Mais la tyrannie n’était pas encore terminée

Quand j’y arrivais  C’était  une joie pour moi de le suivre, je sentais que je me respectais et c’était super et tout se faisais naturellement : parfois c’était oui pour un burger et je le mangeais avec plaisir et mon corps le gérait hyper bien car il avait besoin d’énergie. Et parfois il me faisait comprendre « surtout pas le burger » et je prenais autre chose que je savourais tout autant ; quelle joie !

Sauf que quand je n’étais pas connectée à mon corps, qu’est ce qui se passait ? Et bien je n’y arrivais pas : je mangeais mais je n’avais pas accès au message de mon corps qui me disait stop. Alors je ne savais pas si je m’étais arrété au bon moment… Et sans que j’en ai conscience… Qui repointait le bout de son nez ? la culpabilité et avec elle les discours du mental qui me dictait ses règles.

J’ai la change d’avoir dans ma valise des outils magiques (tels que l’EFT)  qui permette de se libérer de ce don nous ne voulons plus pour nous. Donc je me suis servie de ça. Et peut être que cela suffit juste de le réaliser.

Et c’est vraiment ce jour là que je me suis libérée en me disant que si un jour je mangeais un peu trop c’était vraiment pas grave et naturellement j’ai mangé un peu moins au repas suivant, tout simplement.

Je sais ce que je souhaite pour moi, c’est prendre soin de mon corps et l’écouter donc si un jour tu manges bien et bien on s’en fiche et le soir tu auras moins faim et ce sera très bien comme ça

Vu que c’est plutôt rescent en vous disant cela je me souhaite de tout cœur d’être libéré de tout cela . Oui je me le souhaite et je le ressens comme cela. Et ce que je ressens surtout c’est que cette question « est-ce que je mange de façon juste » est une question magique pour m’assurer que je suis bien en connexion avec mon corps et m’assurer que le mental ne prend pas le pouvoir sur ma vie.

Maintenant je sais comme le pouvoir du mental a pu m’éloigner de la beauté de la vie dans plein de domaines et je peux vous assurer que je suis bien décidée à ne plus lui laisser les rennes de ma vie