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Ça ne fait pas très longtemps que mon origine sociale fait partie de moi et de mon vécu, que je l’accepte entièrement et sincèrement et comme telle. J’ai pris conscience de cela il y a quelques années lors d’une formation organisée par mon entreprise sur le thème de « diversité et inclusion » Lors de cette formation j’ai réalisé que pendant des années j’ai caché cette origine sociale. Mon père était chauffeur de taxi, et lorsque je racontais les anecdotes plutôt drôles d’un zèbre chauffeur de taxi à mes collègues de travail, j’omettais sciemment de dire que c’était mon père. Je dis sciemment mais ce n’est pas vraiment vrai… Je ne le disais pas tout simplement. Lors de cette formation j’ai réalisé que je ne le disais pas et pourquoi je ne le disais pas. Je me suis choquée moi-même et je me suis toujours promis de partager ouvertement d’où je venais car c’est aussi une façon de montrer que peu importe d’où on vient, on peut faire le chemin qu’on choisit de vivre tout simplement.
Revenons un peu en arrière : je suis fille de chauffeur toujours et cette fois mon père travaille pour un patron un peu comme son homme de confiance pourrait-on dire, mais vu de l’extérieur, il était chauffeur. Nous étions très proche de cette famille qui nous aimait et qui nous respectait. Et qui nous aime toujours je crois d’ailleurs : nous nous sommes également occupés de leurs enfants. C’est auprès de leur entourage que j’ai ressenti cette différence de classe sociale
J’ai 16 ans, et quinze jours plus tôt j’ai fait la connaissance de l’entourage du patron de mon père lors d’un week-end festif à la campagne. Je croise l’un d’eux dans un contexte mondain cette fois ; Je dis bonjour, et ce bonjour reste sans réponse et accompagné d’un regard qui me fait comprendre que c’est un choix de ne pas me répondre ; Je crois qu’à ce moment-là j’ai compris ce que cela faisait d’être méprisé pour ce que l’on est. Quelque chose qui fait partie de nous, que l’on ne peut pas changer, et qui nous diminue aux yeux des autres, comme si à ce moment-là je n’étais pas importante : et encore, c’est une façon polie de le dire.
Le deuxième moment qui m’a profondément blessée, c’est quand, en visite, chez l’une des relations de cette famille, la maitresse de maison a servi tout le monde pour le gouter, sauf moi ; pour enfoncer le clou et me montrer que ce n’était pas un oubli, sur le pas de la porte, au moment de partir, cette dame m’a demandé : « mademoiselle, vous voulez boire ou manger quelque chose ?
Je crois qu’à ce moment là cette femme a eu beaucoup de chance de faire partie du réseau proche de mes parents : mes valeurs de loyauté et de respect m’ont empêché de l’envoyer bouler. J’ai répondu un « non merci » poli, même si je crois que mon regard en disait long, et puis je suis partie ;
Je n’ai pas réalisé sur le coup, l’impact que ces deux événements avaient eu sur moi. Je m’en suis rendue compte bien plus tard. Cette sensation de ne rien valoir, pendant quelques minutes, m’a fait me créer des croyances que je me suis trainée une bonne partie de ma vie !
Lorsque ce thème de poscast est venu à ma rencontre, mon intention était de partager ma différence d’une origine sociale modeste : et tout est relatif. Car j’ai certainement eu beaucoup plus de chance que plein de personnes qui vivent en France et encore plus qui vivent dans le monde. Et en écrivant ces mots, je me dis que peut-être qu’aujourd’hui, les origines sociales avec plusieurs particules dans le nom, et bien ce n’est pas si facile à porter ; je me souviens que des personnes choisissaient même de raccourcir leur nom en entreprise, et finalement j’étais surprise quand je les découvrais par hasard en entier.
Alors je me dis que ces origines sociales parlent de nous puisqu’elles font partie de notre histoire, mais que réellement, le plus important est ce qu’on est aujourd’hui, ce sont nos valeurs, c’est ce que l’on souhaite vivre et faire vivre aux personnes qui sont autour de nous. L’origine sociale est une information, rien de plus, sur d’où l’on vient ou d’où nos parents viennent.
Je vis cette origine sociale comme faisant partie de moi, ni plus ni moins et je me rends compte que parce que je ne me compare plus, je n’ai même plus envie de poser des mots comme modeste ou chanceuse. C’est mon origine sociale, c’est là d’où je viens et c’est ça le plus important : et finalement peut-être même que cela ne l’est pas vraiment 😉